Jean-Luc Rougé. "On est plus qu'un sport"
- Télégramme
- 11 oct. 2016
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Interviewé ce lundi à Quimper lors de sa rencontre avec les acteurs du judo finistérien, le président de la fédération française, Jean-Luc Rougé (67 ans), premier champion du monde de l'histoire du judo français, explique pourquoi il vise un quatrième mandat le 19 novembre. Il rappelle aussi les valeurs éducatives de son sport et défend le bilan français aux JO de Rio.
Jean-Luc Rougé, une élection avec quelqu'un en face comme il y a quatre ans face à Stéphane Traineau n'est-elle pas préférable pour le débat d'idées à une élection avec une seule liste comme elle se présente le 19 novembre ? On peut avoir un débat d'idées sur la façon de concevoir le judo, sur la philosophie de ce sport, mais pas sur la façon dont vous allez l'organiser, car c'est décidé en assemblée générale. Dans le monde associatif, un président doit avant tout être à l'écoute de ses électeurs, des clubs. Comment peut-on entrer dans le détail ? Je prends l'exemple des politiques qui annoncent plein de choses dans le détail qu'ils savent très bien qu'ils ne feront pas. On ne peut donner que des directions. Aujourd'hui, je suis relativement crédible, car je ne donne que les principes généraux et ça plaît. Stéphane (Traineau) ne sera pas dans ma liste, mais je vais travailler avec lui. Il n'y a aucun problème. On ne s'oppose pas. On est là pour satisfaire d'abord les licenciés.
Vous partez pour une quatrième olympiade à la tête du judo français.
Quels sont vos objectifs ? Qu'est-ce que vous n'avez pas réussi à faire lors des trois précédentes ? On avance en marchant. L'idée principale, c'est de préserver le valeur éducative de notre discipline. On est plus qu'un sport. On représente aussi une méthode d 'éducation et c'est ce qui plaît aux familles, qui sont notre meilleur ambassadeur pour amener les enfants au judo.On a la chance de s'occuper d'enfants qui vont se souvenir toute leur vie de ce qu'ils ont appris sur le tatami, car on sait certes les former sur le plan physique mais aussi mental et sociétal. Ça c'est la politique du judo que je défends. En outre, par rapport à notre culture mutualiste, on essaie de faire en sorte que ça coûte le moins cher possible.
Dans le Finistère, les professeurs de judo se plaignent pourtant des coûts liés aux déplacements plus nombreux qu'auparavant en raison des nouveaux modes de qualification aux différentes compétitions nationales... Oui, ils m'ont dit ça aujourd'hui (lundi, ndlr). On a essayé de décentraliser nos compétitions, mais rester à Paris, ça peut finalement coûter moins cher. On va tenir compte de cette remarque et écouter la province pour savoir quel choix effectuer, sachant qu'à Paris, on va se réapproprier l'Institut du judo qui vient d'être réparé et qu'il est possible qu'on achète une autre salle à vendre actuellement pour organiser nos compétitions si d'autres régions pensent comme les Finistériens.
Aux JO de Rio, vous repartez finalement avec cinq médailles, mais si on enlève Teddy Riner et la bonne surprise Emilie Andéol et qu'on regarde les espoirs déçus (Emane, Khyar, Pietri, Pavia), le bilan est-il satisfaisant ? On avait prévu cinq médailles dont deux d'or. Sur la plus haute marche, on attendait plutôt Agbegnenou qu'Andéol. Si tout le monde avait gagné en même temps, ça aurait été parfait, mais ça n'a pas été le cas. Aux JO, le niveau est très relevé et ça s'est joué parfois comme en natation pour Manaudou, à très peu de chose.
Mais Teddy Riner n'est-il pas un peu l'arbre qui cache la forêt ? Aux championnats d'Europe et du monde ces dernières années, on a eu des athlètes bien classés dans toutes les catégories. On a une très belle équipe de France. Et il n'y a eu que deux sports qui ont eu de l'or à la fois à Londres et à Rio : le canoë et nous.
Vous êtes un farouche opposant au MMA qui attire pourtant les jeunes et pourrait être une passerelle pour le judo... Le MMA (arts martiaux mixtes, ndlr) donne une très mauvaise image car on peut frapper l'adversaire au sol, lui faire mal. Les jeunes qui voient ça trouvent ça naturel, alors qu'en judo, on respecte l'adversaire. Ce n'est pas du tout le même état d'esprit. On n'est pas là pour "massacrer" l'autre. Je prends l'exemple du curé de Drancy, ancien judoka, qui a maîtrisé un cambrioleur, avant que la police n'arrive.
A titre personnel, vous avez obtenu votre 9e dan en 2013. Qu'est ce que cela représente pour vous ? Que je suis vieux (sourire). Dans le judo, il n'y a pas que la pratique, il y a aussi la compréhension et la réflexion. Un haut gradé va réfléchir à la technique, pourquoi elle fonctionne ou pas.
Quel regard portez-vous sur le judo breton ? C'est un judo avec beaucoup d'enseignants professionnels et très ancré sur la compétition. En revanche, il y a eu un souci en Finistère avec une perte de 1.000 licences en huit ans alors que ça augmente en Bretagne. On essaie de comprendre pourquoi.
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