Rafaela Silva "De la bagarre des rues aux tatamis"
- La vie d'un judoka
- 9 août 2016
- 4 min de lecture

La fille de la favela, de la cité des Dieux, l'a fait à nouveau, après 2013, ou elle a remporté son titre de championne du monde à Rio la Brésilienne s'impose une nouvelle fois devant tout un peuple.
Le peuple Brésilien explose...
Pour venir à bout de la numéro 1 mondiale, la Mongole Sumua Dorjsuren, la Brésilienne Rafaela Silva a pu compter sur le soutien de son public. Dans une salle chauffée à blanc, la judoka a remporté, lundi 8 août, la finale des - de 57 kg sous les acclamations de supporters déchaînés. En larmes, la nouvelle championne olympique s’est jetée dans les bras de sa famille et de la foule, qui, pendant de longues minutes, a clamé d’une seule voix "Rafa Rafa Rafa !".
"Cela m’a vraiment aidée à faire face à la pression contre mes adversaires. Le stade était en feu, tout le monde criait et m’encourageait", a réagi Rafaela Silva après sa finale, comme le rapporte le site officiel des Jeux.
En offrant au Brésil sa toute première médaille d’or de ses JO à la maison, la sportive de 24 ans a fait le bonheur de tout un pays, mais est aussi devenue l’icône de tout un peuple : "Que quelqu’un comme moi, qui vient de la Cité de Dieu et a commencé le judo à 5 ans comme une plaisanterie, devienne championne olympique, c’est inexplicable".
Dieu seul sait ce que j’ai souffert pour en arriver là ». Cette phrase tatouée sur son bras, Rafaela Silva l’a depuis les Jeux de Londres en 2012.
La fille de la cité des dieu
Elle avait été traitée de « singe » après Londres. « Mon idole c’est Teddy Riner car il est Noir », lâche-t-elle en conférence de presse. Au Brésil, il existe un racisme latent.
Née du mauvais côté de la barrière sociale, elle a dû apprendre très jeune à se battre contre l’adversité. La favela d’où elle vient, la Cité de Dieu, cadre du film du même nom de Fernando Meirelles, est l’une des plus violentes de Rio. Rafaela y a vécu jusqu’à ses 8 ans, entre guerres de gangs et sanglantes menées policières. «Il y avait des coups de feu tous les jours, se souvient-elle. Ça ne peut pas être normal pour un enfant de voir quelqu’un mourir devant lui.» Tout ça a rendu la petite fille agitée. Bagarreuse, elle défie les garçons du quartier. A la maison, elle refuse d’obéir. Pour la calmer, ses parents l’inscrivent à l’institut Reação, une école de judo ouverte par le médaillé olympique Flavio Canto et qui accueille aujourd’hui plus de 1 200 jeunes défavorisés. Le premier jour, Rafaela, alors âgée de 7 ans, éprouve un malaise : elle est arrivée à l’entraînement le ventre vide…

Flavio Canto a changé sa vie
C'est à Rio qu'elle a décroché en 2013 le titre mondial, devenant la première judoka brésilienne à y parvenir, c’est à Rio qu’elle s’engage pour les enfants des favelas après avoir été elle-même prise en mains dans l’institut Reaçao qui enseigne le judo aux enfants défavorisés, leur apporte aussi l’éducation, et leur apprend qu’on peut rêver toujours plus grand. Rafaela Silva s’implique pleinement dans cet institut dirigé par le judoka qui l’a tant inspirée, Flavio Canto, et qui utilise depuis 10 ans le sport comme outil pour promouvoir le développement humain, l'intégration sociale et l'adoption de modes de vie sains avec les enfants des favelas, afin de rendre le monde meilleur. Flavio Canto a toujours voulu changer le monde. Judoka Médaillé de bronze en 2004 à Athènes, il a décidé d’aider les enfants défavorisés de Rio à accéder au sport. Rafaela Silva raconte : « Les enfants qui vivaient autour de nous dans la cité de Dieu étaient très agressifs. Certains, à 11 ou 12 ans, se baladaient avec des armes dans les mains. Il y avait même un de nos cousins qui était impliqué dans les gangs de trafiquants de drogue, et cela allait être mon futur ! Puis il y eu les Jeux Olympiques 2004 auxquels Flavio Canto a participé. J’allais déjà à l’institut Reaçao et nous sommes allés le chercher à l’aéroport. J’ai pu prendre la médaille de bronze qu’il avait remporté en Grèce. Je pense que ça m’a pris là, j’ai compris que je pouvais revenir d’un voyage à la maison et apporter tout ce bonheur à ma famille. La soeur de Flavia, Raquel, ajoute : « Avant que ma soeur et moi ne nous mettions au judo, nous étions assez rebelles. Ça ne nous intéressait pas d’aller à l’école. Le sport a radicalement changé nos vies. Ça a été une transformation… comme l’eau changée en vin. Il nous a prises en main comme si nous étions ses enfants ». « Nous avons le programme olympique auquel a participé Rafaela, la première championne du monde du Brésil », explique Flavio Canto, « nous avons le programme éducation, où les enfants vont en classe après le judo, et nous avons l’école de judo. Nous essayons de leur apprendre qu’ils peuvent rêver plus haut qu’ils ne l’auraient pensé. Ils peuvent aller à l’école, à l’université, ils peuvent devenir des super-héros et c’est ce que nous essayons de faire tous les jours ».
Rafaela Silva est entrée dans la légende de son sport. "Le singe qu’ils voulaient enfermer dans une cage à Londres est désormais une championne olympique à la maison".

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