Teddy Riner : ''Ma mère est un loup''
- Metronews sport
- 4 mars 2016
- 5 min de lecture
Etre la mère d'un champion, c'est surtout absorber le stress, la colère et les doutes de son rejeton en n'y laissant rien paraître. Une championne du monde de la discipline. Procter & Gamble (Ariel, Pampers, Gillette...), partenaire du Comité international olympique donne aujourd'hui le top départ de la nouvelle campagne "Merci maman". Cette année, la saga a pour ambassadeurs Teddy Riner et sa mère. L'occasion de découvrir un duo de choc. Metronews les a rencontrés.

Dans une petite salle avec vue sur le dojo, Teddy Riner et Marie-Pierre, sa maman, se remettent d'un fou rire. Leur complicité saute aux yeux. On s'aperçoit vite qu'il s'agit, en fait, de bien plus que ça. Dans la bonne humeur, la première question tombe : définir sa maman en trois mots. Le courage et la sagesse arrivent sans hésitation. Puis, tête penchée, il la regarde, réfléchit et trouve que finalement, trois mots, ce n'est pas assez... Mais il se plie à l'exercice et finit par trancher : la dernière qualité sera la générosité. Et le champion olympique de Londres de se souvenir ''qu'à la maison, il y avait toujours une part pour l'invité''.
Inversant les rôles, c'est à Marie-Pierre de définir son ''petit'' (2,04 mètres pour 130 kilos) en trois mots. Là, il attend son verdict. Alors qu'elle finit à peine de prononcer ''généreux'', il rajoute en riant : ''Trop. Elle me le reproche souvent. Tout comme ma femme et ma psy'', avoue-t-il. Trop généreux donc mais parfois naïf aussi. Et le colosse d'admettre ''qu'aujourd'hui encore je le suis, mais moins qu'avant parce que j'apprends de mes erreurs. Et maman veille aussi au grain. C'est un loup en fait. Elle sort les dents quand son petit est menacé. C'est une maman poule, que vous avez là''.
Jamais sans elle
Un accompagnement qui, pour Marie-Pierre, est naturel. A tel point que ''ne pas être avec lui sur une compétition me rend malade''. Pourtant, "elle n'a jamais loupé une compétition importante. En cadet, pour ma première compétition internationale à Strasbourg, ils ont pris la route avec mon père pour être là et sont rentrés à une heure du matin. J'ai gagné. Ensuite les compétitions se sont enchaînées, les victoires aussi mais toujours avec eux, à mes côtés". Un lien fort qui rassure et canalise mais qui ne gomme pas la pression. Bien au contraire. Car l'ex-étudiant de Sciences Po a beau accumuler les victoires, la peur de la décevoir est bien ancrée. Il en a fait une motivation. "En 2014, aux Championnats du monde de Tchelyabinsk, en Russie, je revenais d'une opération à l'épaule et le matin de la compétition, j'ai retrouvé les miens et leur ai dit que je n'avais pas dormi. La faute au décalage horaire, un truc toujours difficile à gérer. Ma mère m'a tellement tranquillisé que j'ai pu dormir une heure avant le début des combats. Les paroles prononcées dans ces moments-là agissent d'une façon si particulière. Mes parents sont mes antidépresseurs et je n'ai pas le droit de les décevoir".
Au fil des années, leurs petits rituels ont renforcé le lien mère-fils. "J'oublie souvent les petites choses qui constituent ma routine en compétition comme un bidon ou un second casque. C'est maman qui se charge de récupérer ce qui me manque. Elle est un sas de tranquillité qui me fait du bien. Nous formons une team, que tout le monde appelle, la team Riner". Si la relation est toujours la même depuis les tournois en cadet, offrant à celui qui rêve d'une nouvelle médaille d'or à Rio une stabilité qui lui va bien, la maman poule a progressé aussi. "Je suis capable maintenant de suivre un combat en entier. Avant, j'étouffais littéralement à l'idée qu'il se blesse. Pire encore, quand il était plus jeune, je stressais tellement quand Teddy rencontrait des adversaires plus costauds que lui. C'était insupportable. Il m'est arrivé plusieurs fois de quitter le dojo". Teddy sourit et lui prend la main comme pour s'excuser pour tout ce stress. Un état qui connaîtra à son tour dans quelques années. "Je comprends d'autant plus ce qu'elle vit car maintenant que j'ai un fils (Eden, né le 1er avril 2014), j'imagine dans quel état je serais s'il devait rencontrer un adversaire plus grand et plus âgé que lui. Ah, l'inquiétude... mais c'est le sport. Je ferai avec."
Son remède contre la colère
Marie-Pierre accompagne, encourage, détend et raisonne aussi. C'est elle qui, suite à la défaite de Teddy en toutes catégories aux Championnats du monde à Tokyo, a su trouver les mots pour le convaincre, malgré la colère, de se présenter au podium. "J'avais la rage. Non pas parce qu'il avait perdu mais à cause de la façon dont il avait perdu. Mon cœur était si triste, mais je suis parent et, dans de telles circonstances, il faut là aussi montrer l'exemple. Je lui ai dit d'aller chercher cette médaille et qu'il y en aurait d'autres. Finalement, ils lui ont rendu service parce qu'il a évolué et tout cela lui a permis d'atteindre le niveau qui est le sien aujourd'hui". Le visage sombre, le numéro 3 des sportifs préférés des Français, revient sur la pénible défaite. "Quand je repense à mes deux défaites (celle de 2010 et la seconde en quarts de finale aux JO de Pékin), chaque fois sur une décision arbitrale, je sais que chacune d'elle m'a permis de grandir. De retour à la maison, j'ai eu besoin d'une journée pour digérer, enfermé dans ma chambre, me demandant ce que je n'avais pas fait correctement ? Pourquoi est-ce arrivé ? Ces questions ont tourné en boucle dans mon esprit. Après 24 heures, c'était réglé. J'avais fait le vide".
La colère fut une compagne fugace, alors que la peur, pour elle, l'effleure parfois. "Quand j'habitais chez mes parents, je n'aimais pas trop quand maman rentrait tard, ou quand elle était toute seule. Je me faisais des films, quand elle allait au centre commercial, on pouvait lui voler son sac. Elle me rassurait et me disait de ne pas m'en faire parce qu'elle sentait quand quelqu'un voulait le lui prendre. Elle a des yeux derrière la tête, ça me rassure encore aujourd'hui". Emu, il insiste sur le fait que maman Riner a su prendre soin de lui et n'a pas hésité à contracter un crédit de plus pour financer son sport études. "Je me souviens qu'au début, elle faisait des allers-retours entre Paris et Rouen pour être certaine que tout allait bien. Désormais, je prends soin d'elle en disant oui à toutes ses demandes. 'Merci', ce n'est pas suffisant pour tout ce qu'elle a fait pour moi. J'aimerais pouvoir inventer un mot. Je sais que derrière chaque homme, il y a une femme. Dans mon ombre, il y a ma maman".
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